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Perchée sur la plus haute branche d'un pin tabulaire, la femelle impose toute sa puissance de son oeil jaune à l'intensité impressionnante.
Face à une telle splendeur, mon propre regard s'emplit d'un respect ému.
Du nid s'étend parfois le bout d'une aile, et V. m'apprend que deux petits sommeillent à l'intérieur.
J'aime cet endroit posé au fond d'un bois ; ici c'est le règne de la Nature et ce calme empli pourtant d'une multitude de sons divers m'enchante à chaque fois.
J'oublie les gens autour de moi, je fais abstraction de l'inévitable connaisseur satisfait de lui qui expose son savoir à voix haute d'un ton professoral rapidement horripilant, je n'écoute pas les réprimandes pourtant justifiées qu'une jeune mère adresse à son enfant qui préfère gambader plutôt que d'observer silencieusement un hypothétique envol.
Je me laisse envelopper d'une méditation paisible que seul vient troubler le retour du mâle, une proie accrochée dans ses puissantes serres.
L'un des deux se démarque rapidement, et l'on sent tout de suite qu'une certaine volonté l'habite.
Cela se confirme après le festin : les deux ailes se déploient, une tension parcourt le jeune corps, un battement s'esquisse.
Je retiens mon souffle face à cette énergie qui s'incarne. Mais le mouvement se referme, l'envergure se replie, le jeune rapace n'est pas encore prêt.
Je n'avais jamais réalisé combien un envol pouvait être complexe. Force et volonté doivent être associés à une assurance inébranlable, et vu la hauteur du pin, je comprends l'hésitation légitime face à un tel saut.
Pourtant je sens qu'il n'est pas loin du grand départ, et ses essais encore maladroits laissent présager la future majesté qu'il déploiera par la suite en plein vol.
Pour l'instant, je souris face à la situation qui prend une inattendue tournure comique : la femelle est en effet posée sur le bord du nid, mais ce dernier n'a pas assez de surface pour que les essais s'y déroulent de façon optimale. C'est pourquoi à chaque battement un peu plus déployé, la femelle reçoit stoïquement la gifle de l'aile qui s'abat sur elle avec force.
J'admire sa patience, car elle ne bouge pas d'un millimètre et n'adresse aucun reproche face à cette énergie mal maîtrisée.
Est-ce une métaphore de vie ? Le petit doit dépasser la mère pour se lancer dans sa propre vie ? N'est-ce pas le propre du passage vers l'autonomie de s'appuyer sur les parents puis de s'en détacher avec force ?
Moment difficile d'ailleurs, que tous ne parviennent pas à surmonter.
Entre l'envie de liberté, le besoin d'indépendance, la nécessité de s'assumer et l'appréhension de quitter des repères connus pour s'en créer de nouveaux, personnels et adaptés, prendre son temps pour partir au bon moment me semble être le bon choix.
Mais est-ce que l'on choisit vraiment le parcours de sa vie ?
Commentaires :
Re:
Je préfère donc l'idée de liberté où l'on choisit soi-même son parcours, en assumant d'ailleurs ensuite ses choix.
Toutefois, parfois je me demande tout de même en quoi notre environnement, notre éducation, le contexte de telle ou telle situation (etc.) ne vont pas avoir une influence sur nos décisions.
Mais chaque cas étant particulier, je ne saurais émettre ici une généralisation. Je pense néanmoins moi aussi à un certain roman là, dont le fil implicite est ce sujet de "la vie a déjà un objectif final d'écrit, et tout notre parcours sert à l'atteindre", dont je te parlerais bien sûr à l'occasion ;)
Tu as tout à fait raison sur la différence entre l'animal instinctif et l'humain doué de raisonnement : nous pouvons en effet dire Non, il suffit d'en avoir la volonté.
Mais à quel prix parfois... Antigone est restée fidèle à ses convictions jusqu'au bout : moi j'admire cela, mais je sais que d'autres trouveraient son attitude insensée...
Re:
Bien sûr que notre éducation, notre environnement, le contexte influencent nos choix... Cela n'est pas contradictoire avec la notion de choix "libre" dans mon esprit, car je pense que notre "moi" est constitué de tous ces éléments là (plus d'autres évidemment).
Après, on peut discuter de la notion de "choix libre", qui dépend de la notion de "moi"... Je m'explique :-) Je pose en postulat de départ que le "moi" est l'entité qui prend les décisions. On peut considérer que ce "moi" est quelque chose d'inné et d'immuable, que l'environnement peut éventuellement influencer... dans ce cas le choix pris n'est plus libre, car il y a eu influence du milieu. Masi on peut aussi considérer que le "moi" est quelque chose qui se construit au fil de la vie, et donc qui peu à peu s'enrichit, se modifie au contact du milieu... auquel cas le choix reste libre, malgré le rôle de l'environnement dans celui-ci. Bon, je ne suis pas sûre d'avoir été très claire... il faudrait que je ressorte mes cours de philo, je suis sûre qu'un philosophe a dit quelque chose comme ça de manière bien plus explicite :-)
Enfin bref, tout ça pour dire que je suis d'accord avec toi quant au rôle de l'environnement dans la prise de décision, mais que cela ne me semble pas incompatible avec la notion de choix libre.
Jai hâte de savoir de quel livre tu parles :-)
Et pour Antigone, tu as raison... certains la diraient héroïque, d'autres complètement folle ! Cela dépend de la personnalité de chacun... moi aussi j'admire son choix, sans savoir si j'en aurais été capable ou pas ! Mais pour elle, obéir à Créon c'était se renier, et...mourir, d'une certaine façon ! en tout cas tuer ses idéaux. Et puis ma foi, une Antigone "sensée", suivant les règles, ne serait plus Antigone ;-)
Bel article. Et je pense que oui, on choisit librement le parcours de sa vie, ou on choisit de ne pas le choisir et de le laisser être influencé par les circonstances. On choisit ou on choisit de ne pas choisir. On choisit.
Re:
C'est important de savoir, d'avoir conscience que l'on est responsable de sa vie, de son parcours, qu'il est vain de rejeter l'origine de certaines galères sur les autres. Il faut assumer ses choix, ses non choix.
Un an à rester dans le nid ? C'est faisable :) Même plus, tu verras. Pense à tes concours pour l'instant, l'envol viendra en son temps.
Et oui, trop d'attention peut parfois sembler étouffant, même si bien sûr tu dois savoir que cela part de bons sentiments de leur part, qu'ils font tout ça pour toi (etc., je t'épargne le couplet)
Ta réaction de vouloir mener ta propre vie est tout à fait légitime, cela n'a rien à voir avec l'attitude des parents, c'est dans l'ordre des choses, c'est tout.
On n'a qu'une vie, alors autant la vivre par soi-même, selon soi-même.
Merci d'avoir choisi de parler sur ce texte.
:)
Thème inspiré par Bryan Bell.
"Entre l'envie de liberté, le besoin d'indépendance, la nécessité de s'assumer et l'appréhension de quitter des repères connus pour s'en créer de nouveaux, personnels et adaptés, prendre son temps pour partir au bon moment me semble être le bon choix.
Mais est-ce que l'on choisit vraiment le parcours de sa vie ?"
Oui, bien sûr, on choisit le cours de sa vie, en partie du moins... La fatalité, le destin, ça peut être très romantique dans l'idée, mais c'est terrible comme principe dans l'idée...
Le petit rapace dont tu parles si bien est dirigé par son instinct, que l'on pourrait grossièrement assimiler à son destin... mais c'est un animal ! La différence de l'être humain, ce qui donne à la vie humaine toute sa valeur, c'est justement la possiblité de faire des choix, de réfléchir et de se dire "ça, je veux", "ça, je ne veux pas", même si cela ne correspond pas aux normes attendues... (d'ailleurs, je crois que c'est toi qui me parlais de cette notion de choix, il y a peu de temps... Vois comme je le reprends à mon compte ;-))
La rapace n'a pas d'autres choix que celui de suivre la norme, sinon il meurt... et cela, il ne le réfléchit pas consciemment en plus, enfin bref, c'est de l'instinct quoi ;-) Et puis, prendre son temps pour partir au bon moment est indispensable, mais il y a un moment où il faut se lancer.. aussi bien pour les bébés rapaces que pour les humains !
Alors que l'être humain a toujours la possibilité de dire non, de se révolter, et de changer le cours de sa vie... C'est sans doute plus difficile que de suivre les règles ancestrales, je ne suis pas totalement convaincue que cela rende plus heureux, mais c'est parfois indispensable... C'est "lutter contre la médiocrité", en quelque sorte, lutter contre les passages déjà faits, pour aller tailler son propre chemin... un chemin qui sera sûrement moins confortable, mais ô combien plus satisfaisant.
A moins... à moins que cela ne soit de l'orgueil ?
Cela me fait penser à un passage d'Antigone, d'Anouilh... "si Hémon ne doit plus pâlir quand je pâlis, s'il ne doit plus me croire morte quand je suis en retard de cinq minutes, s'il ne doit plus se sentir seul au monde et me détester quand je ris sans qu'il sache pourquoi, s'il doit devenir près de moi le monsieur Hémon, s'il doit apprendre à dire "oui", lui aussi, alors je n'aime plus Hémon ! "
Mais... très joli billet, et très jolie scène :-)